Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/420

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rent que les premiers rangs s’étaient déjà mis en bataille. « Enfin, dit César à cette nouvelle, le voilà donc, ce jour longtemps attendu, où nous aurons à combattre, non contre la faim et la disette, mais contre des hommes ! » Et il se hâta de faire placer devant sa tente la cotte d’armes de pourpre, signal ordinaire de la bataille chez les Romains. Les soldats, à la vue du signal, se mettent à pousser des cris de joie ; ils laissent les tentes, et courent aux armes. Les officiers les conduisent aux postes assignés à chacun, et tous prennent leurs places sans confusion et en silence, avec autant d’ordre qu’un chœur de tragédie. Pompée commandait en personne l’aile droite de son armée, et avait Antoine en tête. Le centre était occupé par son-beau père Scipion, qui se trouvait opposé à Lucius Albinus. Lucius Domitius conduisait l’aile gauche, que fortifiait le corps nombreux des chevaliers ; car c’était là que presque tous les chevaliers s’étaient portés, dans l’espoir d’écraser César, et de tailler en pièces la dixième légion, qui était célèbre par sa valeur, et au milieu de laquelle César avait coutume de prendre rang pour combattre.

Quand César vit l’aile gauche des ennemis soutenue par une si nombreuse cavalerie, redoutant l’effet que produirait sur ses soldats l’éclat étincelant des armes, il fit venir, du corps de réserve, six cohortes qu’il plaça derrière la dixième légion, avec ordre de se tenir tranquilles, sans se montrer aux ennemis : lorsque les chevaliers commenceraient la charge, elles devaient s’avancer aux premiers rangs, et, au lieu de lancer au loin leurs javelots, comme font ordinairement les plus braves, pressés qu’ils sont d’en venir à l’épée, les porter droit à la visière du casque, et frapper les ennemis aux yeux et au visage. « Ces beaux danseurs si fleuris, disait-il, jaloux de conserver leur jolie figure, ne soutiendront pas l’éclat du fer, brillant ainsi à leurs yeux. »