Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/421

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Tandis que César prenait ces dispositions, Pompée, de son côté, montait à cheval, et considérait l’ordonnance des deux armées. Voyant que les ennemis attendaient en bon ordre et sans bouger le signal de l’attaque, et qu’au contraire la plus grande partie des siens, au lieu de rester immobiles dans les rangs, s’agitaient en tumulte faute d’expérience, il craignit qu’ils ne rompissent entièrement leur ordonnance dès le commencement de l’action. Il envoya donc à ceux des premiers rangs l’ordre de rester fermes dans leurs postes, et de se tenir serrés les uns contre les autres pour soutenir le choc de l’ennemi. César blâme cette disposition[1] : Pompée émoussa, selon lui, la vigueur que donne aux coups l’impétuosité de la course ; il éteignit cette ardeur d’où naissent l’enthousiasme et la fureur guerrière dans l’âme des combattants, car les chocs mutuels enflamment de plus en plus les courages, échauffés encore par la course et les cris ; en un mot, il amortit et glaça le cœur de ses soldats. César avait avec lui vingt-deux mille hommes, et Pompée un peu plus du double.

Quand le signal du combat eut été donné de part et d’autre, et que la trompette commença à sonner la charge, chacun, dans cette grande multitude, ne songea plus qu’à son affaire particulière ; mais un petit nombre des plus vertueux d’entre les Romains, et quelques Grecs qui se trouvaient sur les lieux, hors du champ de bataille, réfléchissaient, en voyant approcher l’instant décisif, à la situation affreuse où l’empire romain se trouvait réduit par l’avidité et l’ambition de deux hommes. C’étaient, des deux côtés, les mêmes armes, la même ordonnance de bataille, des enseignes pareilles, la fleur des guerriers d’une même ville ; enfin une seule puissance prête à se heurter elle-même, et qui allait donner le

  1. Dans le livre troisième de la Guerre civile.