Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/449

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Philippe, observant que le caractère d’Alexandre était difficile à manier, qu’il résistait toujours à la force, mais qu’on le ramenait sans peine au devoir par la raison, s’appliqua lui-même à le gagner par la persuasion, bien plus qu’à lui imposer ses volontés. Et, comme il ne s’en fiait pas trop aux maîtres chargés de lui enseigner la musique et les arts libéraux, du soin de diriger et de perfectionner son éducation, œuvre dont il sentait toute l’importance, et qui exige, pour parler comme Sophocle,

L’emploi de plus d’un frein et de plus d’un gouvernail ;


il fit venir Aristote, le plus célèbre et le plus savant des philosophes, et lui donna, pour prix de l’éducation de son fils, une flatteuse et honorable récompense[1]. En effet, il rebâtit la ville de Stagire, patrie d’Aristote, qu’il avait lui-même ruinée, et la repeupla en y rappelant ses habitants, qui s’étaient enfuis, ou qui avaient été réduits en esclavage. Le lieu qu’il assigna au maître et au disciple, pour y faire leur séjour et vaquer à leurs études, était le Nymphéum[2], près de Miéza[3], où l’on montre encore de nos jours des bancs de pierre qu’on appelle les bancs d’Aristote, et des allées couvertes pour se promener à l’ombre.

Il paraît qu’Alexandre ne se borna pas seulement à l’étude de la morale et de la politique, et qu’il s’appliqua aussi aux sciences les plus secrètes et les plus profondes,

  1. Alexandre avait treize ans quand il fut remis aux mains d’Aristote ; et il semble, d’après les paroles de Plutarque, que Philippe n’avait songé à ce philosophe qu’après mûre réflexion. On peut donc douter de l’authenticité de la lettre conservée par Aulu-Gelle, où Philippe annonce à Aristote, dès la naissance même d’Alexandre, qu’il a fait choix de lui pour précepteur de son fils.
  2. Probablement un bois sacré dédié aux nymphes.
  3. On ignore la position précise de Miéza, dans la Macédoine.