Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/450

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que les disciples d’Aristote appelaient proprement acroamatiques et époptiques[1], et qu’ils ne communiquaient point au vulgaire. Ce qui le prouve, c’est la lettre qu’Alexandre écrivit à Aristote, pendant l’expédition d’Asie, quand il eut appris que son maître venait de publier des ouvrages où il traitait de ces sciences. Il l’en reprend avec une libre franchise, au nom de la philosophie, et s’exprime en ces propres termes : « Alexandre à Aristote, salut. Je n’approuve pas que tu aies donné au public tes traités acroamatiques. En quoi donc serons-nous supérieurs au reste des hommes, si les sciences que tu nous a enseignées deviennent communes à tout le monde  ? J’aimerais mieux l’emporter par les connaissances sublimes que par la puissance. Adieu. » Aristote, pour consoler cette âme ambitieuse, et pour se justifier lui-même, lui répondit que ces ouvrages étaient publiés et qu’ils ne l’étaient pas. En effet, il est bien vrai que le traité de la Métaphysique n’a rien qui puisse aider seuls ni le disciple dans l’étude ni le maître dans l’enseignement, et n’a été écrit que pour rappeler les idées de ceux qui ont été instruits dans tous les secrets de la science[2]. Il me semble aussi que ce fut Aristote qui lui inspira, plus que nul autre de ses maîtres, le goût de la médecine ; car Alexandre ne se borna pas seulement à la théorie de cette science : il secourait ses amis dans leurs maladies, et leur prescrivait certains remèdes et régimes, comme on en peut juger par ses lettres.

Il avait aussi un goût naturel pour la littérature : il aimait à étudier et à lire. Il regardait l’Iliade comme une provision pour l’art de la guerre ; et c’est ainsi qu’il l’ap-

  1.  Le mot acroamatique désigne l’enseignement qu’il fallait recevoir de la bouche du maître lui-même, et le mot époptique assimile ces sciences à une sorte d’initiation mystique.
  2. On peut inférer de là que Plutarque ne n’avait pas lu : c’est bien autre chose qu’un mémento