Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/457

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l’armée thébaine. » Alexandre admira sa réponse et l’action qu’elle avait faite, et ordonna qu’on la laissât aller en liberté, elle et ses enfants.

Il se réconcilia avec les Athéniens, malgré la profonde douleur qu’ils laissèrent paraître en apprenant le mal-heur des Thébains. Ils renoncèrent, en signe de deuil, à célébrer la fête des mystères, dont le jour était proche ; ils traitèrent avec toute sorte d’humanité les Thébains qui se réfugièrent dans leur ville. Mais, soit que la colère d’Alexandre, comme celle des lions, fût déjà assouvie, soit qu’il voulût opposer à une action si atroce et si sauvage un acte éclatant de douceur, non content d’oublier tous les sujets de plainte qu’il pouvait avoir, il invita la ville à s’occuper sérieusement des affaires. « Athènes est faite, dit-il, s’il m’arrivait malheur, pour donner la loi à la Grèce. » Il témoigna souvent dans la suite, à ce qu’on assure, un vif repentir, en songeant au malheur des Thébains ; et ce souvenir, en mainte occasion, adoucit sa colère. Il attribua même au ressentiment et à la vengeance de Bacchus[1] le meurtre de Clitus, qu’il tua dans l’ivresse, et la lâcheté des Macédoniens, qui refusèrent de le suivre dans les Indes, laissant imparfaites, si je puis dire, son expédition et sa gloire. Aussi n’y eut-il, depuis lors, aucun Thébain de ceux qui avaient survécu au désastre qui s’adressât inutilement à lui pour lui demander quelque grâce. Voilà pour ce qui regarde Thèbes.

Les Grecs étaient assemblés dans l’isthme, et avaient arrêté, par un décret, qu’ils se joindraient à Alexandre pour faire la guerre aux Perses : il fut nommé chef de l’expédition, et reçut la visite d’une foule d’hommes d’État et de philosophes qui venaient le féliciter du choix des Grecs. Il comptait que Diogène de Sinope[2], qui vivait

  1. Bacchus, né à Thèbes, était le protecteur naturel de la ville.
  2. C’est le fameux cynique.