Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Corinthe, en ferait autant. Mais, comme il vit que Diogène ne s’inquiétait nullement de lui, et se tenait tranquillement dans le Cranium[1], il alla lui-même le voir. Diogène était couché au soleil ; et, lorsqu’il vit venir à lui une foule si nombreuse, il se souleva un peu, et fixa ses regards sur Alexandre. Alexandre le salue, et lui demande s’il a besoin de quelque chose : « Oui, répond Diogène ; détourne-toi un peu de mon soleil. » Cette réponse frappa, dit-on, vivement Alexandre ; et le mépris que lui témoignait Diogène lui inspira une haute idée de la grandeur d’âme de cet homme ; et, comme ses officiers, en s’en retournant, se moquaient de Diogène : « Pour moi, dit-il, si je n’étais Alexandre, je voudrais être Diogène. »

Alexandre se rendit à Delphes pour consulter le dieu sur l’expédition d’Asie ; mais il se trouva qu’on était dans des jours malheureux, où il n’est pas permis à la prêtresse de rendre des oracles. Il commença par envoyer prier la prophétesse de venir au temple ; mais elle refusa, alléguant que la loi le défendait. Alors Alexandre va la trouver lui-même, et la traîne de force au temple. La prophétesse, vaincue, pour ainsi dire, par cette violence, s’écria : « Ô mon fils ! tu es invincible. » À cette parole, Alexandre dit qu’il n’a plus besoin d’autre oracle, qu’il a celui qu’il désirait d’elle.

Au moment du départ de l’armée pour l’Asie, Alexandre reçut des dieux plusieurs présages. Dans la ville de Libèthres[2], entre autres, une statue d’Orphée, faite de bois de cyprès, se couvrit, durant ces jours-là, d’une sueur abondante ; et, comme tous s’effrayaient, le devin Aristandre déclara qu’on pouvait prendre bon courage : « Ce

  1. C’était une promenade dans le faubourg de la ville.
  2. Cette ville était dans la Piérie, et l’on y montrait le tombeau d’Orphée.