il feignit qu’il était las de carnage, et que la nuit l’obligeait de cesser le combat. Mais, comme il courait à son aile gauche, qu’il croyait en danger, il apprit en chemin que les ennemis avaient été entièrement défaits et mis en fuite.
On ne douta plus, après cette grande victoire, que l’empire des Perses ne fut détruit sans ressource. Alexandre, proclamé roi de l’Asie, offrit aux dieux des sacrifices magnifiques, et donna en présent à ses amis des richesses, des maisons et des gouvernements. Mais, jaloux surtout de se montrer généreux envers les Grecs, il leur écrivit que toutes les tyrannies étaient dès ce moment abolies dans la Grèce, et que les peuples se gouverneraient désormais par leurs lois. Il manda en particulier aux Platéens qu’il ferait rebâtir leur ville, parce que leurs ancêtres avaient cédé leur territoire aux Grecs, afin d’y combattre pour la liberté commune[1]. Il envoya aux habitants de Crotone, en Italie, une partie des dépouilles, en mémoire du dévouement et de la valeur de l’athlète Phayllus, lequel, au temps des guerres médiques, quand les Italiotes[2] abandonnaient les Grecs, qu’ils croyaient perdus sans retour, équipa une galère à ses frais, et se rendit à Salamine, pour prendre sa part au péril de la Grèce. Tant Alexandre favorisait toute espèce de vertu, et gardait fidèlement le souvenir des belles actions !
Il marcha de là sur la Babylonie, qu’il eut bientôt soumise tout entière. Il admira surtout, dans la province d’Ecbatane, le gouffre d’où sort continuellement, comme d’une source inépuisable, un jet de feu ; et le torrent de naphthe[3], qui se déborde, et forme, non loin de ce gouffre,
- ↑ Voyez la Vie d’Aristide dans le deuxième volume.
- ↑ C’était le nom qu’on donnait aux habitants des colonies grecques de l’Italie méridionale.
- ↑ Le naphthe est une huile bitumineuse très-fluide. Il y en a de plus ou moins coloré ; mais on en trouve qui a la blancheur, la légèreté et la limpidité de l’esprit-de-vin.
