Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/491

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un lac considérable. Le naphthe ressemble au bitume ; il a aussi une telle analogie avec le feu, qu’avant même de toucher à la flamme, il s’allume à l’éclat seul qu’elle jette, et embrase l’air, qui se trouve entre deux. Les Barbares, pour faire connaître au roi la force du naphthe et sa nature, en arrosèrent la rue qui menait à son logement ; puis, se plaçant au bout de la traînée, ils approchèrent leurs flambeaux du fluide qu’ils avaient répandu. C’était à la nuit fermée. À peine les premières gouttes eurent pris feu, que la flamme, sans aucun intervalle sensible, se communiqua à l’autre bout avec la rapidité de la pensée ; et la rue parut embrasée dans toute sa longueur. Il y avait un certain Athénophanès, Athénien, qui faisait partie des domestiques chargés de servir le roi au bain et de lui frotter le corps d’huile, et qui s’entendait à l’amuser et à le divertir de ses affaires. Un jour qu’un jeune garçon, nommé Stéphanus, mal fait et d’une figure ridicule, mais qui chantait agréablement, se trouvait dans la chambre du bain : « Seigneur, dit Athénophanès, veux-tu que nous fassions sur Stéphanus l’essai du naphthe ? Si le feu s’allume sur lui, et qu’il ne s’éteigne pas, j’avouerai que sa force est admirable, et que rien ne la peut surmonter. » L’enfant s’offrit volontiers pour cette épreuve : à peine cette matière eut touché son corps, qu’il fut environné de flammes, et qu’il parut tout en feu. Alexandre en eut une frayeur extrême, et se vit dans un grand embarras ; et, s’il ne s’était trouvé là, par bonheur, plusieurs de ses gens, qui avaient sous la main des vases pleins d’eau pour le service du bain, le secours n’aurait pu prévenir le ravage de la flamme. Encore eut-on beaucoup de peine à éteindre le feu, qui avait gagné tout le corps de l’enfant, et Stéphanus en demeura-t-il incommodé le reste de sa vie.

Ce n’est donc pas sans vraisemblance que quelques auteurs, voulant ramener la fable à la vérité, prétendent