Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/494

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reuse ; et il donna l’ordre de passer tous les hommes au fil de l’épée.

Il trouva dans la Perse autant d’or et d’argent monnayé qu’à Suse : il le fit emporter, avec toutes les autres richesses, sur vingt mille mulets et cinq mille chameaux. Alexandre, en entrant dans le palais de Persépolis, vit une grande statue de Xerxès que la foule, qui se pressait pour l’accompagner, avait renversée : il s’arrêta, et, lui adressant la parole comme si elle eût été animée : « Dois-je passer outre, dit-il, et te laisser étendu par terre, pour te punir de la guerre que tu as faite aux Grecs ? ou te relèverai-je par estime pour tout ce qu’il y avait de grand et de généreux dans ton âme ? » Il resta longtemps pensif, sans rien dire, puis il passa outre. Comme ses troupes avaient besoin de se refaire, et qu’on était dans l’hiver, il séjourna quatre mois à Persépolis. La première fois qu’il s’assit sur le trône des rois de Perse, sous un dais d’or, Démaratus de Corinthe, qui aimait tendrement Alexandre, se mit, dit-on, à pleurer comme un bon vieillard : « De quelle joie vous êtes privés, s’écria-t-il, Grecs qui avez péri dans les combats, avant de voir Alexandre assis sur le trône de Darius ! »

Comme Alexandre se disposait à marcher contre Darius, il donna à ses amis un grand festin, où il se laissa aller à l’ivresse et à toute sa bonne humeur, et où les femmes mêmes vinrent boire et se réjouir avec leurs amants. La plus célèbre de ces femmes était la courtisane Thaïs, née dans l’Attique, et alors maîtresse de Ptolémée, celui qui fut depuis roi d’Égypte. Après avoir loué finement Alexandre, et s’être permis même quelques plaisanteries, elle s’avança, dans la chaleur du vin, jusqu’à lui tenir un discours assez conforme à l’esprit de sa patrie, mais bien au-dessus de son état. « Je suis bien payée, dit-elle, des peines que j’ai souffertes en errant par l’Asie, lorsque j’ai la satisfaction d’insulter