Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/568

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sa passion pour la gloire : jaloux d’être le premier général qui eût fait passer le Rhin à une armée, il construisit un pont sur ce fleuve, qui est fort large, et qui étend fort loin ses eaux des deux côtés. À l’endroit que César avait choisi, le courant rapide entraînait avec violence les troncs d’arbres et les pièces de bois, qui venaient heurter et rompre les pieux qui soutenaient le pont. Pour amortir la roideur des coups, il fit enfoncer, au milieu du fleuve, au-dessus du pont, de grosses poutres de bois qui brisaient la violence du courant, et protégeaient le pont ; enfin il donna aux yeux un spectacle qui dépassait toute croyance : ce pont entièrement achevé en dix jours. Il fit passer son armée, sans que personne osât s’y opposer ; les Suèves mêmes, les plus belliqueux des Germains, s’étaient retirés dans des vallées profondes et couvertes de bois. César brûla leur pays, ranima la confiance des peuples dévoués de tout temps au parti des Romains, et repassa dans la Gaule, n’ayant demeuré que dix-huit jours dans la Germanie.

L’expédition contre les Bretons témoigna de sa merveilleuse audace. Il fut le premier qui pénétra avec une flotte dans l’Océan occidental, et qui transporta une armée à travers la mer Atlantique pour aller faire la guerre. Cette île, dont l’existence était mise en doute, à raison de l’étendue qu’on lui attribuait ; cette île, qui avait été un sujet de contestation entre tant d’historiens, qui ont cru qu’elle n’avait jamais existé, et que tout ce qu’on en débitait, jusqu’à son nom même, était une pure fable, César tenta d’en faire la conquête, et porta au delà de la terre habitable les bornes de l’empire romain. Il y passa deux fois, de la côte opposée de la Gaule ; et, dans plusieurs combats qu’il livra, il fit plus de mal aux ennemis qu’il ne procura d’avantages à ses troupes : on ne put rien tirer de ces peuples, qui menaient une vie pauvre et misérable. L’expédition n’eut pas tout le succès qu’il