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CIMON.

sollicitations, ni par ses présents, il paraissait résolu d’employer la force ; d’autant qu’alors notre patrie était dans un état fort misérable, et méprisée pour sa faiblesse et sa pauvreté. Damon, qui craignait sa brutalité, irrité d’ailleurs de ses sollicitations, conspira contre lui avec quelques-uns de ses camarades. Il ne s’en associa pas un grand nombre, afin de mieux cacher le complot : ils n’étaient en tout que seize. Après une nuit passée à boire, ils se barbouillent le visage de suie, et, le matin au point du jour, ils tombent sur le Romain qui faisait un sacrifice dans la place publique, le tuent, lui et plusieurs de ceux qui l’entouraient, et s’enfuient hors de la ville.

De là grande rumeur : le sénat de Chéronée s’assemble, et prononce contre les meurtriers une sentence de mort : c’était le moyen de justifier la ville envers les Romains. Le soir même, comme les magistrats soupaient ensemble, selon l’usage, Damon et ses complices entrèrent dans la salle, les égorgèrent tous, et prirent la fuite comme la première fois.

Or, il advint qu’environ ces jours-là, Lucius Lucullus, allant à une expédition, passa avec une armée. Informé de ce qui s’était fait, il suspendit sa marche, et, après avoir pris des informations exactes, il se convainquit que la ville, loin de pouvoir être soupçonnée de quelque complicité, avait été, elle aussi, victime de ces violences. Il prit la garnison, et l’emmena avec lui.

Damon cependant faisait des courses dans le pays, le ravageait par ses brigandages, et rôdait sans cesse autour de la ville. Les citoyens lui envoyèrent plusieurs députations, rendirent en sa faveur des décrets honorables, et le déterminèrent à revenir parmi eux. À son retour, ils le nommèrent gymnasiarque[1] ; puis, un jour qu’il se

  1. C’est-à-dire maître des exercices.