Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/649

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui demanda d’abord de traiter de la paix dans le lieu où il était Cratère fit observer que cette demande n’était pas une chose juste ; que Phocion voulait que l’armée macédonienne restât à fouler le territoire de ses amis et de ses alliés, tandis qu’elle pouvait vivre aux dépens des ennemis ; mais Antipater lui prit la main, et dit : « Il faut faire ce plaisir à Phocion. » Quant aux conditions de la paix, il déclara que les Athéniens devraient s’en remettre à lui sans réserve, comme il avait fait lui-même, lorsque, assiégé dans Lamia, il s’en était entièrement rapporté à Léosthène pour la capitulation.

Quand les Athéniens eurent reçu cette réponse, ils se soumirent par nécessité aux conditions qu’on leur imposait ; après quoi Phocion retourna à Thèbes avec les autres envoyés. De ce nombre était le philosophe Xénocrate, dont la vertu était si fort estimée, et lui avait acquis une telle réputation et une telle célébrité, qu’on croyait impossible de rencontrer un homme, si insolent, cruel et emporté qu’il fût, à qui la vue seule de Xénocrate n’imprimât du respect et de la vénération. Mais le contraire arriva, par un effet de la méchanceté d’Antipater, et de la haine qu’il avait pour le bien. D’abord il ne salua point Xénocrate, quoiqu’il eût fait des amitiés à tous les autres ; ce qui fit dire à Xénocrate qu’Antipater avait raison de ne rougir que devant lui de l’injuste traitement qu’il voulait faire subir aux Athéniens. Dès que Xénocrate eut commencé son discours, Antipater témoigna la plus vive impatience, l’interrompit souvent avec humeur, et finit par l’obliger à se taire. Mais, après que Phocion eut parlé, Antipater répondit qu’il était prêt à faire amitié et alliance avec les Athéniens, s’ils consentaient à lui livrer Démosthène et Hypéride, à rétablir l’ancienne forme de gouvernement, où les rangs étaient réglés sur les revenus des citoyens, à recevoir garnison dans Munychie, et enfin à payer,