Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/651

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Iacchus d’Athènes à Eleusis. Le trouble qui en résulta pendant la cérémonie, fit que la plupart des citoyens comparèrent les fêtes d’alors avec celles d’autrefois. « Jadis, dans les temps heureux de nos prospérités, disaient-ils, ces fêtes étaient marquées par des visions mystérieuses, et par des voix extraordinaires qui frappaient de terreur nos ennemis. Et aujourd’hui, dans une solennité semblable, les dieux voient avec indifférence le plus grand malheur qui pût arriver à la Grèce. Ils voient le plus saint des jours, celui qui nous était le plus cher, marqué par un événement affreux, et qui fera époque dans les âges suivants. »

Quelques années auparavant, on avait apporté aux Athéniens un oracle de Dodone, qui leur ordonnait de bien garder les promontoires de Diane[1], de peur que les étrangers ne s’en emparassent. Et, dans ces jours-là, les bandelettes sacrées dont on entoure les berceaux mystiques d’Iacchus, ayant été trempées dans l’eau, en furent retirées d’une couleur jaune pâle, comme celle d’un mort, au lieu de la couleur de pourpre qu’elles avaient auparavant ; et, ce qu’il y eut de plus extraordinaire encore, c’est que les linges des particuliers qu’on lava dans la même eau ne perdirent rien de leur couleur naturelle. Pendant qu’un ministre du temple lavait un pourceau dans le port de Cantharus[2], vint un énorme poisson, qui se saisit de l’animal, et en dévora la partie de derrière jusqu’au ventre. Le dieu voulait leur faire entendre par là, qu’ils seraient privés des parties basses de la ville, de celles qui touchaient à la mer, mais qu’ils conserveraient la ville haute.

Les Athéniens n’eurent pas à se plaindre de cette gar-

  1. Les promontoires de l’Attique, ainsi nommés poétiquement, les montagnes étant l’apanage de Diane.
  2. Un des trois ports du Pirée.