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LUCULLUS.

gage à secourir le roi ; comme conseiller, à n’en rien faire. » Tigrane fit part à Mithridate de ces paroles, sans se douter qu’il dût en arriver mal à Métrodore ; mais Métrodore fut sur-le-champ mis à mort, et Tigrane se repentit de son indiscrétion. Ce n’est pas pourtant qu’elle eût été la vraie cause de la mort de Métrodore ; elle ne fit que donner la dernière impulsion à la haine que Mithridate lui portait : il lui en voulait depuis longtemps, comme on le reconnut ensuite à la prise des papiers secrets de Mithridate, parmi lesquels il s’en trouva un où la mort de Métrodore était résolue. Tigrane fit enterrer le corps avec magnificence, et n’épargna rien pour honorer les funérailles d’un homme qu’il avait trahi vivant.

Le rhéteur Amphicratès mourut aussi à la cour de Tigrane. Je dois faire mention de lui comme Athénien. Banni d’Athènes, il se retira, dit-on à Séleucie[1], sur le Tigre. Les habitants de la ville l’ayant prié d’enseigner la rhétorique, il leur répondit arrogamment : « Le plat est trop petit pour le dauphin. » Il se transporta de là auprès de Cléopâtre, fille de Mithridate et femme de Tigrane. Il se rendit bientôt suspect ; et, sur la défense qu’on lui fit d’avoir aucun commerce avec les Grecs, il se laissa mourir de faim. Cléopâtre lui fit aussi de magnifiques obsèques, et son tombeau est près d’un château appelé Sapha.

Lucullus, en procurant à l’Asie de sages règlements et une paix profonde, n’avait négligé ni les plaisirs ni les jeux. Pendant son séjour à Éphèse, il enchanta les villes par des spectacles, des fêtes triomphales, des combats d’athlètes et de gladiateurs. Les villes, en retour, célébrèrent, pour lui faire honneur, des fêtes luculliennes, et lui donnèrent des témoignages d’une affection sincère,

  1. Ville bâtie par Séleucus Nicanor.