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LUCULLUS.

bien plus flatteuse que tous les honneurs. Le retour d’Appius convainquit Lucullus qu’il fallait faire la guerre à Tigrane : il reprit la route du Pont, et s’étant mis à la tête de ses troupes, il assiégea Sinope[1], ou plutôt les Ciliciens qui y tenaient garnison pour le roi, et qui, après avoir massacré la plupart des Sinopiens, et mis le feu à la ville, s’enfuirent pendant la nuit. Lucullus, instruit de leur départ, entre dans la ville, passe au fil de l’épée huit mille des Ciliciens qui y étaient encore restés, rend aux habitants leurs biens, et travaille à sauver la ville.

Il y fut surtout déterminé par la vision que voici : Il lui avait semblé, pendant son sommeil, voir un homme s’approcher et lui dire : « Pousse en avant, Lucullus, encore un peu ; Autolycus vient pour s’aboucher avec toi. » À son réveil, il ne savait comment expliquer sa vision : il prit la ville le même jour ; et, comme il poursuivait les Ciliciens qui s’enfuyaient par mer, il vit sur le rivage une statue renversée, que les Ciliciens avaient voulu emporter, mais qu’ils n’avaient pas eu le temps d’embarquer : c’était un des chefs-d’œuvre de Sthénis. Quelqu’un lui dit que c’était la statue d’Autolycus, fondateur de Sinope. Autolycus, fils de Déimachus fut, dit-on, un de ceux qui accompagnèrent Hercule, à son départ de la Thessalie pour l’expédition contre les Amazones. En revenant de ce voyage avec Démoléon et Phlogius, il fit naufrage sur un écueil de la Chersonèse, nommé Pédalium. Autolycus échappa sain et sauf avec ses armes et ses compagnons, aborda à Sinope, et enleva la ville aux Syriens qui l’occupaient. Les Syriens descendaient, dit-on, de Syrus, fils d’Apollon et de la nymphe Sinope, fille d’Asopus. Ce récit rappela à Lucullus le précepte de Sylla : « Ne tenez rien pour digne de

  1. Dans la Paphlagonie, près du fleuve Halys, sur le Pont-Euxin.