Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/732

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porter les armes. » Plusieurs firent la promesse de donner la liberté aux leurs ; Caton commanda qu’on enregistrât leurs déclarations, et se retira.

Mais, peu de temps après, il reçut des lettres de Juba et de Scipion : Juba, caché dans une montagne avec peu de monde, demandait ce que Caton avait résolu de faire. « Si tu dois abandonner Utique, lui disait-il, je t’attendrai ; si tu veux y soutenir un siège, j’irai te joindre avec une armée. » Scipion, qui était à l’ancre sous un promontoire non loin d’Utique, attendait aussi quel parti Caton prendrait. Caton jugea à propos de retenir les courriers qui avaient apporté ces lettres, jusqu’à ce que les trois cents se fussent arrêtés à un parti décisif. Les sénateurs de Rome étaient pleins d’un entier dévouement : ils avaient affranchi leurs esclaves, et les avaient enrôlés. Quant aux trois cents, en leur qualité de gens trafiquant sur mer et faisant la banque, et dont la principale richesse consistait dans leurs esclaves, ils ne se souvinrent pas longtemps des discours de Caton, et les laissèrent s’écouler de leur esprit. Il est des corps qui perdent la chaleur aussi facilement qu’ils la reçoivent, et qui se refroidissent dès qu’on les éloigne du feu : de même ces hommes étaient échauffés et embrasés par la présence de Caton ; mais, lorsqu’ils étaient laissés à leurs propres réflexions, la crainte que leur inspirait César chassait de leur cœur le respect qu’ils avaient pour Caton et pour la vertu. « Car, disaient-ils, qui sommes-nous ? et à qui refusons-nous d’obéir ? N’est-ce point là ce César en qui se concentre aujourd’hui toute la puissance romaine ? Aucun de nous n’est ni un Scipion, ni un Pompée, ni un Caton ; et en un temps où tous les hommes cèdent à la terreur et se ravalent plus qu’ils ne devraient, c’est en ce temps que nous combattons pour la liberté de Rome, et que nous prétendons soutenir dans Utique la guerre contre celui devant qui