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LUCULLUS.

gloire : il se mit en marche avec toute son armée, se plaignant, dit-on, à ses amis de n’avoir affaire qu’à Lucullus seul, et non point à tous les généraux romains ensemble. Et cette confiance n’était vraiment ni insensée ni déraisonnable, quand il considérait cette foule de nations et de rois qui marchaient à sa suite, ces bataillons d’infanterie, ces milliers de gens de cheval. Il menait avec lui vingt mille archers et frondeurs, cinquante-cinq mille chevaux, dont dix-sept mille bardés de fer, comme Lucullus le marquait dans sa lettre au Sénat ; cent cinquante mille hommes d’infanterie, divisés par cohortes et par phalanges ; enfin des pionniers pour ouvrir des chemins, jeter des ponts, nettoyer les rivières, couper des bois, et faire les autres travaux nécessaires : ils étaient trente-cinq mille, rangés en bataille à la queue de l’armée, pour la faire paraître plus nombreuse et plus forte.

Lorsqu’il eut franchi le mont Taurus, et parut à découvert avec son armée, il aperçut l’armée des Romains campée devant Tigranocertes. Les Barbares renfermés dans la ville, en voyant Tigrane, poussent des cris confus, et battent des mains, menaçant les Romains du haut des murailles, et leur montrant les Arméniens. Lucullus tint un conseil pour décider si l’on combattrait ou non. Les uns lui conseillaient d’abandonner le siège, et de marcher contre Tigrane ; les autres pensaient qu’il ne fallait ni laisser derrière soi cette multitude d’ennemis, ni interrompre le siège. Lucullus dit que les deux avis n’étaient pas bons chacun en particulier, mais que pris ensemble ils l’étaient[1]. Il partage donc en deux son armée, laisse Muréna, pour la conduite du siège, avec

  1. J’ai traduit ce qu’il y a dans le texte, qui est évidemment altéré : l’observation de Lucullus n’a en effet aucun sens après l’avis qu’on vient de lui donner en dernier lieu ; il devrait y applaudir, puisqu’il va y conformer sa conduite, et au lieu de cela il le contredit !