Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/107

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Cicéron, au contraire, reçut de Lélius, en plein Sénat, le reproche d’être resté tranquille à sa place, sans ouvrir la bouche, lorsque le jeune César, imberbe encore, avait demandé qu’il lui fût permis, malgré l’interdiction légale, de briguer le consulat ; et Brutus, dans ses lettres, l’accuse d’avoir nourri et fomenté une tyrannie plus forte et plus pesante que celle qu’ils avaient détruite.

Enfin, si nous considérons leur mort, on se sent une profonde pitié à l’aspect d’un vieillard qui, par faiblesse de cœur, se fait porter de côté et d’autre par ses domestiques, tâchant de se dérober à ses ennemis, et de fuir une mort qui prévenait de bien peu le terme de la nature, pour tomber en définitive sous la main des meurtriers[1]. Démosthène, à la vérité, se rend d’abord en suppliant dans le temple de Neptune ; mais il faut admirer la précaution qu’il avait prise de tenir du poison tout prêt, et le soin qu’il eut de le conserver, et la fermeté avec laquelle il en fit usage. Le dieu ne lui assurant pas dans son temple un asile inviolable, il se réfugie, pour ainsi dire, au pied d’un autel plus sacré : il s’échappe du milieu des armes et des satellites, et se rit de la cruauté d’Antipater.

  1. Ce jugement est bien sévère ; et Plutarque, ici, se laisse aller au besoin de faire une antithèse. Les dernières paroles de Cicéron, rapportées par Tite Live, sont dignes d’une grande âme : Moriar in pallia sæpe servata ; et le récit même de sa mort dans Plutarque ne justifie pas bien les accusations que Plutarque porte contre lui.