Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

magnifiques, ni voitures, superbes ; ils ne rencontraient point une foule d’officiers et de licteurs ; ils ne recevaient point, et souvent à grand’peine, les réponses du prince par des secrétaires[1] ; mais Cléomène lui-même, vêtu d’une robe fort simple, venait au-devant d’eux, les saluait avec bonté, les écoutait, leur parlait toujours avec douceur et humanité, et aussi longtemps qu’ils le désiraient. Ces manières populaires les charmaient, et conciliaient tellement à Cléomène leur affection, qu’ils s’en retournaient d’auprès de lui disant qu’il était le seul véritable descendant d’Hercule.

Sa table ordinaire, qui était très-frugale et véritablement laconienne, n’était que de trois lits : il en faisait ajouter deux quand il recevait des ambassadeurs ou des étrangers ; et alors ses officiers la servaient un peu mieux, non en pâtisseries ni en ragoûts recherchés, mais seulement d’une plus grande quantité de viandes, et de meilleur vin. Il reprit un jour un de ses amis, pour n’avoir servi à des étrangers, comme dans les repas publics, que du brouet noir et du gâteau. « Quand on traite des étrangers, lui dit-il, ou dans de semblables occasions, il ne faut pas observer rigoureusement la discipline de Sparte. » Lorsqu’on avait desservi, il faisait apporter une table à trois pieds, sur laquelle il y avait un cratère d’airain rempli de vin, deux coupes d’argent tenant chacune deux cotyles[2], et quelques tasses, également d’argent, pour ceux des convives qui voulaient boire ; car on n’y forçait personne. Il n’y avait point de musique à sa table ; et il n’en était nul besoin : Cléomène égayait les convives, soit par les questions qu’il leur proposait, soit en leur faisant quelque agréable récit. La gravité de ses

  1. Je suis la correction indiquée par Dacier ; γραμματέων, au lieu de γραμματείων, correction appuyée par un manuscrit, et par ce qu’on sait des usages des cours d’Orient.
  2. Deux cotyles font un peu plus d’un demi-litre.