Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/367

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ferme, comme sur la terre, attendu que la pesanteur des navires le leur permettait ; il ordonnait aux pilotes de soutenir le choc des ennemis sans bouger non plus que s’ils étaient à l’ancre, et de se garder de sortir du port, dont l’issue offrait aux vaisseaux de grandes difficultés. Comme César quittait de sa tente avant le jour pour aller visiter sa flotte, il rencontra, dit-on, un homme qui conduisait un âne. Il lui demande son nom ; et cet homme, qui le reconnut, répondit : « Je m’appelle Eutychus[1], et mon âne Nicon[2]. » C’est pourquoi César, lorsque dans la suite il fit orner ce lieu des becs des galères qu’il avait conquises, y plaça deux statues de bronze, dont l’une représentait l’homme, et l’autre l’âne.

Après que César eut bien examiné l’ordonnance de sa flotte, il se fit conduire dans une chaloupe à l’aile droite, d’où il vit avec surprise que les ennemis se tenaient dans le détroit sans faire aucun mouvement ; jusque-là qu’on eût dit, à les voir, qu’ils étaient à l’ancre. César lui-même en fut persuadé : c’est pourquoi il tint ses vaisseaux éloignés de la flotte ennemie d’environ huit stades[3] Il était alors la sixième heure du jour : un vent léger s’étant élevé de la mer, les soldats d’Antoine, qui souffraient ces délais avec impatience, et qui se confiaient d’ailleurs en la grandeur et la hauteur de leurs vaisseaux, en profitèrent pour ébranler leur aile gauche. Ce que voyant, César en fut ravi, et fit reculer sa droite, afin d’attirer davantage encore les ennemis hors du détroit, et de pouvoir lui-même, avec ses vaisseaux, qui étaient légers et agiles, envelopper et charger à l’aise les galères d’Antoine, que leur grande masse et le défaut de rameurs rendaient pesantes et difficiles à mouvoir.

  1. Heureux.
  2. Victorieux.
  3. Un peu moins d’une demi-lieue.