Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/366

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mer, Antoine fit brûler tous les vaisseaux Égyptiens, à l’exception de soixante ; puis il plaça sur les plus grandes et les meilleures de ses galères, depuis trois rangs jusqu’à dix rangs de rames, vingt mille soldats légionnaires, et deux mille hommes de trait. Un chef de bande d’infanterie, qui s’était trouvé à plusieurs rencontres sous les ordres d’Antoine, et dont le corps était criblé des cicatrices de nombreuses blessures, le voyant passer, s’écria d’une voix douloureuse : « Eh ! général, pourquoi te défier de ces blessures et de cette épée, et mettre tes espérances dans un bois pourri ? Laisse aux Égyptiens et aux Phéniciens les combats de mer, et donne-nous la terre, à nous qui sommes accoutumés à y combattre de pied ferme, et à vaincre ou mourir. » Antoine ne répondit rien : seulement il fit en passant un signe de la tête et de la main, comme pour encourager cet homme, et lui donner une espérance qu’il n’avait pas lui-même ; car, ses pilotes ayant voulu laisser là les voiles, il les obligea de les prendre et de les charger sur les vaisseaux, afin, dit-il, qu’aucun des ennemis ne pût échapper à leur poursuite.

Ce jour-là et les trois suivants, la mer fut si agitée, qu’on dut différer la bataille ; mais, le cinquième jour, le vent étant tombé et le calme s’étant rétabli sur les eaux, les deux flottes s’avancèrent l’une contre l’autre. Antoine conduisait son aile droite avec Publicola, et Cœlius la gauche ; Marcus Octavius et Marcus Justéius occupaient le centre. César avait donné le commandement de son aile gauche à Agrippa, et s’était réservé celui de la droite. Quant aux armées de terre, Canidius commandait celle d’Antoine, et Taurus celle de César : elles étaient toutes deux rangées en bataille sur le rivage, et s’y tenaient immobiles. Les deux chefs ne s’oubliaient point : Antoine, monté sur une chaloupe, parcourait ses lignes, exhortant les soldats à combattre de pied