Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/374

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ensemble, Apémantus dit à Timon : « Le bon souper que nous faisons ici, Timon ! — Oui, répondit Timon, si tu n’étais pas de la partie. » Un jour d’assemblée, il monta, dit-on, à la tribune : il se fit un profond silence ; car la nouveauté du fait tenait tous les spectateurs dans l’attente de ce qu’il allait dire. Enfin, prenant la parole : « Athéniens, dit-il, j’ai dans ma maison une petite cour, ou s’élève un figuier ; plusieurs citoyens se sont déjà pendus à cet arbre ; et, comme j’ai dessein de bâtir sur ce terrain, j’ai voulu vous en avertir publiquement, afin que, si quelqu’un de vous a envie de s’y pendre aussi, il se hâte de le faire avant que le figuier soit abattu. » Après sa mort, il fut enterré près du dème d’Hales[1], sur le bord de la mer. Le terrain s’étant éboulé en cet endroit, les flots environnèrent le tombeau, et le rendirent inaccessible aux hommes. Sur ce tombeau était gravée cette inscription :

C’est ici que je repose, depuis que la mort a brisé ma vie infortunée :
Ne demandez pas comment je fus nommé ; méchants, périssez de mort malencontreuse.


On prétend qu’il avait fait lui-même cette épitaphe avant sa mort. Celle que l’on allègue communément est du poëte Callimaque :

Ci-gît Timon le misanthrope. Passe ton chemin ;
Maudis-moi si tu veux ; seulement passe ton chemin.


Voilà quelques traits, entre une infinité d’autres, de la misanthropie de Timon.

  1. Il y avait deux dèmes de ce nom en Attique.