Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/417

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tait de le faire[1]. Comme il y avait encore quelque espérance de réconciliation, Denys n’entreprit rien contre sa sœur, et permit qu’elle demeurât avec le fils qu’elle avait eu de Dion ; mais, lorsque tout espoir fut évanoui, et que Platon eut été renvoyé d’une manière odieuse, alors Denys ne garda plus de mesures : il maria sa sœur Arété, femme de Dion, malgré qu’elle en eût, à Timocratès, un de ses amis, n’imitant point en cela la douceur dont son père avait usé à l’égard de Polyxénus, mari de Thesta, sa sœur. Polyxénus, devenu l’ennemi de Denys et redoutant sa vengeance, s’était enfui de Sicile. Denys fit venir sa sœur, et se plaignit de ce qu’ayant su la fuite de son mari, elle ne l’en avait pas averti. Alors Thesta, sans témoigner ni étonnement ni crainte : « Denys, dit-elle, me crois-tu donc femme assez timide et assez lâche, pour n’avoir pas suivi mon mari et partagé sa fortune, si j’eusse connu sa fuite ? Mais je ne l’ai point sue ; car j’aurais beaucoup mieux aimé être appelée la femme de Polyxénus le banni, que la sœur de Denys le tyran. » Denys ne put s’empêcher d’admirer la réponse libre et courageuse de Thesta ; et les Syracusains furent si charmés de sa vertu, qu’ils lui conservèrent, même après le renversement de la tyrannie, les ornements et les honneurs de la dignité royale, et qu’après sa mort, tout le peuple accompagna ses funérailles. Je n’ai pas cru cette digression inutile.

Le retour de Platon à Athènes décida Dion à la guerre contre le tyran. Platon s’y opposait, d’abord par égard pour l’hospitalité qu’il avait reçue de Denys, et ensuite à cause de son grand âge ; mais Speusippe et les autres amis de Dion le pressaient d’aller affranchir la Sicile, qui lui tendait les bras, et qui le recevrait avec une extrême joie ; car Speusippe, pendant son séjour avec Platon

  1. Voyez la treizième lettre de Platon.