Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Syracuse, avait beaucoup fréquenté les habitants de la ville, et avait pénétré leurs véritables sentiments. Au commencement, ils avaient craint de se découvrir à lui, soupçonnant que le tyran se servait de lui pour les sonder ; mais, quand ils eurent pris confiance en lui, tous lui dirent qu’ils désiraient ardemment le retour de Dion ; qu’il ne devait point se mettre en peine de ce qu’il n’avait ni vaisseaux, ni infanterie, ni cavalerie, mais monter sur le premier navire marchand qu’il trouverait, et venir prêter l’appui de son nom et de son bras aux Siciliens contre Denys. Ce rapport de Speusippe encouragea Dion ; et il leva secrètement des troupes étrangères, par l’entremise de personnes interposées, pour mieux cacher son dessein. Un grand nombre de philosophes et d’hommes d’État secondèrent son entreprise, entre autres Eudémus de Cypre, à propos de la mort duquel Aristote a composé son dialogue sur l’âme[1], et Timonidès de Leucade ; et ils attirèrent dans son parti Miltas de Thessalie, devin, et qui avait été un des disciples de l’Académie. De tous ceux que le tyran avait bannis, et qui n’étaient pas moins de mille, vingt-cinq seulement l’accompagnèrent à cette expédition : tous les autres, retenus par la crainte, l’abandonnèrent.

Les troupes s’assemblèrent dans l’île de Zacynthe. Elles ne formaient que huit cents hommes environ, mais tous éprouvés dans de grandes occasions, merveilleusement exercés et robustes, d’une expérience et d’une audace supérieures à celles des autres soldats, très-capables enfin d’enflammer le courage des troupes que Dion espérait trouver en Sicile, et de les porter à combattre avec la plus grande valeur. Mais, quand on leur annonça que cet armement était destiné à secourir la Sicile contre Denys, ils furent saisis de stupeur, et perdirent

  1. Cet ouvrage d’Aristote n’existe plus.