Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/521

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seconde bataille, et quand, après l’avoir perdue, au lieu de chercher les moyens de rétablir ses affaires, il abandonna toute espérance, et n’eut pas, comme Pompée, assez d’audace pour tenter encore le sort des armes, qui pouvait lui devenir favorable, sa flotte étant maîtresse de la mer. Le plus grand reproche qu’on puisse faire à Brutus, c’est qu’étant redevable envers César, et de sa propre vie, et de celle de tous ses compagnons de captivité, pour lesquels il implora sa clémence, c’est qu’en ayant été traité comme un ami, et distingué par-dessus tous les autres, il ait pris une part active au meurtre de son bienfaiteur. On ne saurait faire à Dion un semblable reproche : tant qu’il fut allié et ami de Denys, il l’aida à établir, à conserver sa puissance ; et, s’il entreprit contre lui une guerre juste et légitime, ce ne fut qu’après avoir été banni, et avoir éprouvé, dans la personne de sa femme, la plus grande des injustices.

Mais, si l’on considère sous un autre rapport cette partie de leur parallèle, on trouve que l’avantage est du côté de Brutus. Ce qui fait le principal mérite de ces deux personnages, c’est la haine des tyrans, et l’aversion du mal. Or, cette haine fut entièrement pure dans Brutus, et sans aucun mélange d’intérêt propre ; car, sans avoir personnellement à se plaindre de César, il exposa généreusement ses jours pour la seule liberté de sa patrie. Dion, au contraire, n’aurait jamais déclaré la guerre à Denys, s’il n’eût été en butte à ses outrages : les lettres de Platon[1] prouvent d’une manière évidente que ce fut pour avoir été banni de la cour du tyran, et non point après l’avoir abandonnée volontairement, qu’il s’arma contre Denys. J’ajoute de plus que Brutus, d’abord ennemi de Pompée, devint son ami, par la seule vue du bien public, et que le même motif le rendit, d’ami qu’il

  1. Voyez la lettre septième.