Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/663

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menaient à Rome sans avoir à combattre, ne pouvaient être retenus dans leur impatience de livrer la bataille, assurés qu’ils étaient de renverser l’ennemi du premier choc. D’ailleurs, il paraît qu’Othon lui-même ne pouvait plus supporter l’incertitude de l’avenir, ni endurer davantage une agitation d’esprit que sa mollesse et l’inexpérience du malheur lui rendaient insupportable. Peu accoutumé à envisager les périls, fatigué des soins accablants qui en étaient la suite, il ne sut que se hâter, et se jeter, pour ainsi dire, les yeux fermés dans le précipice, en abandonnant tout au hasard. Tel est le récit de l’orateur Sécundus, qui était secrétaire d’Othon.

D’autres assurent que les deux armées furent plusieurs fois tentées de mettre bas les armes, et de s’assembler pour élire empereur celui d’entre les généraux qu’elles en jugeraient le plus digne, et, si elles ne pouvaient tomber d’accord, d’en remettre le choix au Sénat. Et il n’est pas sans vraisemblance que, les deux empereurs leur paraissant indignes l’un et l’autre de ce rang suprême, les véritables soldats romains, ceux qui avaient de la sagesse et de l’expérience, n’eussent été frappés de cette pensée : que ce serait une chose non moins honteuse que déplorable de se précipiter eux-mêmes dans des calamités semblables à celles où leurs ancêtres, par un pitoyable aveuglement, s’étaient jetés les uns les autres, d’abord pour les factions de Marius et de Sylla, ensuite pour celles de César et de Pompée ; et cela pour donner l’empire à Vitellius, afin qu’il eût de quoi satisfaire son ivrognerie et sa voracité, ou à Othon, pour qu’il pût fournir à son luxe et à ses infâmes débauches. C’étaient ces dispositions qui engageaient Celsus à différer, espérant que sans combat et sans effort les affaires se décideraient d’elles-mêmes ; tandis que ce fut la crainte même de ce dénoûment qui porta Othon à presser la bataille.