Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pompée avec ses troupes, comptant détruire ainsi le pouvoir presque absolu de Cicéron. Heureusement pour lui et pour Rome, Caton était alors tribun ; et, comme il avait une autorité égale à celle de ses collègues, avec une plus grande considération, il mit opposition à leurs décrets. Caton vint aisément à bout de rompre leurs desseins ; et il releva tellement, dans ses discours au peuple, le consulat de Cicéron, qu’on décerna à celui-ci les plus grands honneurs qui eussent jamais été accordés à aucun Romain, et qu’on lui donna le nom de père de la patrie, titre honorable qu’il eut la gloire d’obtenir le premier, et que Caton lui déféra en présence de tout le peuple[1].

Cicéron jouit alors de la plus grande autorité dans Rome ; mais il se rendit lui-même odieux à bien des gens, non point par aucune mauvaise action qu’il eût faite, mais parce qu’on était choqué généralement de l’entendre se vanter sans cesse lui-même, et relever la gloire de son consulat. Il n’allait jamais au Sénat, aux assemblées du peuple et aux tribunaux, qu’il n’eût à la bouche les noms de Catilina et de Lentulus. Il en vint jusqu’à remplir de ses propres louanges tous les livres, tous les écrits qu’il composait ; et son style, si plein de douceur et de grâce, est devenu par là ennuyeux et fatigant pour les auditeurs. Cette affectation importune était comme une maladie fatale attachée à sa personne. Toutefois il demeura pur, malgré cette ambition démesurée, de tout sentiment d’envie à l’endroit des autres :

  1. Tout le monde connaît ces vers de Juvénal, Sat. viii, 243 :

    . . . . . Roma parentem,
    Roma patrem patriae Cireronem libera dixit.


    Toute l’Italie suivit l’exemple de Rome, et Capoue éleva une statue dorée à Cicéron.