Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/86

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pour faire la guerre, un motif glorieux et honorable ; César met plus de suite dans ses affaires, et pourvoit mieux à ses intérêts et à ceux de ses amis : je sais bien qui je dois fuir, mais je ne vois pas vers qui je dois me réfugier[1]. »

Trébatius[2], un des amis de César, écrivit à Cicéron que César pensait qu’il devait se joindre à lui et partager ses espérances ; ou que, si son âge ne lui permettait pas cette vie active, il n’avait qu’à se retirer en Grèce, et y vivre tranquille, libre d’engagement avec l’un et l’autre parti. Cicéron, étonné que César ne lui eût pas écrit lui-même, répondit en colère à Trébatius qu’il ne ferait rien qui fût indigne des actes politiques de sa vie. Voilà ce qu’on trouve en propres termes dans ses lettres.

César étant parti pour l’Espagne, Cicéron s’embarqua tout aussitôt pour aller joindre Pompée. Tout le monde le vit avec plaisir, excepté Caton, qui, à son arrivée, le prit en particulier, et le blâma fort d’avoir embrassé le parti de Pompée. « Pour moi, lui dit-il, je ne pouvais, sans me faire tort, abandonner une cause à laquelle je me suis attaché dès ma première entrée dans les affaires publiques ; mais toi, n’aurais-tu pas été plus utile à ta patrie et à tes amis en restant neutre dans Rome, et en conformant ta conduite sur les événements, au lieu de venir ici, sans raison et sans nécessité, te déclarer l’ennemi de César, et prendre ta part d’un si grand péril ? » Ces remontrances lui firent d’autant plus aisément changer de résolution, que Pompée ne l’employait à rien d’important. Il est vrai qu’il ne devait s’en prendre qu’à lui-même ; car il ne niait pas qu’il se repentait d’être venu : il se moquait ouvertement des préparatifs de Pompée, désapprouvait intérieu-

  1. Ad Attic, viii, 7.
  2. Célèbre jurisconsulte pour lequel Cicéron écrivit ses Topiques, et qu’Horace a mis en scène dans une de ses satires, ii, I.