Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
LES TRAVAUX ET LES JOURS

la vie. Autrement tu aurais pu amasser en un seul jour de quoi te nourrir une année entière, même sans travail ; tu aurais suspendu le gouvernail à la fumée du foyer, et l’on eût vu cesser les travaux des bœufs et des mulets laborieux. Mais Jupiter nous cacha ces ressources, irrité d’avoir été surpris par les ruses de Prométhée. C’est pour cela qu’il prépara aux hommes de si funestes fléaux.

Il leur cacha le feu ; mais le fils de Japet le déroba pour l’usage des mortels, l’enfermant dans la tige d’une férule et trompant ainsi de nouveau le dieu prudent qui lance la foudre. Alors, indigné, Jupiter, le dieu assembleur de nuage, lui dit :

« Fils de Japet, le plus rusé des dieux, tu t’applaudis d’avoir dérobé le feu et trompé mes conseils. Mais ce larcin te sera funeste, à toi et à la race future des mortels. Qu’ils jouissent du feu ; en retour, je leur enverrai un don fatal dont le charme séduira tous les cœurs, épris de leur propre fléau. »

Ainsi dit le père des dieux et des hommes et il sourit. Cependant il ordonne à l’illustre Vulcain de former au plus vite un mélange de terre et d’eau, de lui donner la voix humaine, la force du corps, la figure des déesses immortelles, les grâces d’une vierge. Il veut que Minerve l’exerce aux ouvrages des mains, lui enseigne à former de précieux tissus ; que la belle Vénus répande autour de sa tête la grâce, le désir inquiet, les soucis rongeurs ; que le dieu messager, vainqueur d’Argus, lui donne un esprit impudent et trompeur.

Telle est la volonté du fils de Saturne et les dieux s’empressent d’obéir. Aussitôt, après l’ordre son père, l’illustre Vulcain forme avec de l’argile l’image d’une vierge pudique ; Minerve aux yeux d’azur lui attache