Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
SENTENCES DE THÉOGNIS DE MÉGARE

Je ne comprends rien aux sentiments de nos concitoyens. Que je fasse bien ou mal, je ne puis leur plaire. Beaucoup me blâment, tant mauvais que bons : mais nul n’est capable de m’imiter, de ces gens qui n’ont pas la sagesse (367-370).

Ne m’attelle pas de force au char, Cyrnus ; ne m’attire pas violemment à l’amour (371-372).

Jupiter, je t’admire. Tu commandes à tous, ayant pour toi l’honneur et la puissance ; tu connais le cœur, tu pénètres les sentiments de chacun ; ton empire, roi du ciel, est souverain. Mais comment, fils de Saturne, peux-tu te résoudre à traiter également l’homme criminel et le juste, celui dont l’âme incline à l’honnêteté, et celui qui préfère la violence, les actes d’iniquité (373-380) ?

Point de distinction nette établie par la divinité pour les hommes ; point de chemin que l’on puisse suivre avec l’assurance de plaire aux immortels (381-382).

… Cependant ces hommes jouissent d’une inaltérable prospérité. D’autres tiennent leur cœur éloigné des actions mauvaises ; et cependant, malgré leur amour pour la justice, ils subissent la pauvreté, mère de l’impuissance, qui pousse l’esprit des hommes à l’erreur, qui livre, en leur sein, leurs pensées aux trop puissantes atteintes de la nécessité. Ils supportent alors, malgré eux, bien des hontes, enchaînés par le besoin, qui enseigne le mal aux plus rebelles, les mensonges, les ruses, les querelles funestes. Le mal répugne à leur nature ; mais le besoin engendre la dure impuissance (383-392).

C’est dans la pauvreté, quand le besoin les presse, que le méchant et l’homme de bien se décèlent.