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NOTICE SUR SOLON

lente peut inspirer. Alors Thalès, lui prenant la main, lui dit en souriant : « Voilà, Solon, ce qui m’a éloigné de me marier et d’avoir des enfants ; j’ai redouté le coup qui vous accable aujourd’hui et contre lequel toute votre fermeté est impuissante. Mais, rassurez-vous ; il n’y a rien de vrai dans tout ce qu’on vient de vous dire. »

Les Athéniens, fatigués de la guerre aussi longue que malheureuse qu’ils soutenaient contre les Mégariens, auxquels ils contestaient la possession de l’île de Salamine, défendirent par un décret, sous peine de mort, de ne jamais rien proposer, ni par écrit ni de vive voix, pour en revendiquer la propriété. Solon indigné d’un décret si honteux, voyant d’ailleurs que le plus grand nombre de jeunes gens ne demandaient pas mieux que de recommencer la guerre, mais qu’ils n’osaient le proposer, retenus par la crainte de la loi, imagina de contrefaire le fou et fit répandre dans la ville, par les gens mêmes de sa maison, qu’il avait perdu l’esprit. Cependant il composa en secret une élégie qu’il apprit par cœur ; et un jour étant sorti brusquement de chez lui, avec un chapeau de héraut sur la tête, il courut à la place publique. La, le peuple s’étant assemblé autour de lui, il monta sur la pierre d’où les hérauts faisaient leurs proclamations, et chanta cette élégie qui commençait par ces mots :

« Je viens en héraut de la belle Salamine. Au lieu d’un discours j’ai composé pour vous des vers. »