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LA THÉOGONIE

eux notre héritage. Le sort nous a-t-il unis à une épouse vertueuse et chère, le mal se mêle encore au bien dans toute notre vie. Mais s’il nous fait rencontrer quelque femme d’une race perverse, alors nous vivons dans l’amertume, portant au fond de notre cœur un éternel ennui, un chagrin que rien ne peut guérir.

Ainsi nul ne trompe l’esprit pénétrant de Zeus, nul ne lui échappe. Lui-même, le bienfaisant Prométhée, le fils de Japet, n’évita point la terrible atteinte de son courroux ; tout habile qu’il était, une invincible nécessité le fit tomber et le retint dans les fers.

Lorsqu’autrefois Briarée, Cœos et Gyas excitèrent le courroux d’un père, jaloux de leur force prodigieuse, de leurs formes gigantesques, de leur immense stature, il les chargea de liens et les enferma dans le sein de la vaste terre. Longtemps ils habitèrent au fond de ses derniers abîmes, livrés à la douleur, au désespoir. Mais Zeus et les autres immortels, fils de Rhéa et de Cronos, les rendirent enfin au jour, par le conseil de Géa. Elle leur avait découvert l’ordre des destinées, leur avait promis qu’avec l’aide de ses enfants ils remporteraient sur leurs ennemis une victoire éclatante. Depuis longtemps combattaient les uns contre les autres et se fatiguaient dans cette pénible lutte la race des Titans et les fils de Cronos. Au sommet du mont Othrys étaient postés les illustres Titans, et sur l’Olympe les dieux, auteurs de tous biens, nés de Cronos et de Rhéa à la belle chevelure. Depuis dix ans entiers, ils se faisaient avec succès égaux une guerre furieuse, acharnée, sans repos et sans trêve, dont le terme s’éloignait sans cesse. Mais quand les nouveaux alliés des dieux se furent ras-