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POÉSIES DE BURNS.

         Tantôt il se creusait en tourbillon :
Tantôt il brillait aux lueurs de la nuit
         D’un éclat mouvant et sautillant ;
Tantôt il disparaissait derrière le coteau,
         Au bas du noisetier touffu,
                  Invisible cette nuit.

Parmi les fougères, sur le penchant de la colline,
         Entre elle et la lune,
Le diable, ou sinon une génisse errante,
         Se leva et poussa un mugissement :
Le cœur de la pauvre Leezie faillit sauter hors de sa poitrine,
         Elle bondit presque aussi vite qu’une alouette,
Mais un pied lui manqua, et dans la mare
         Par-dessus les oreilles elle alla tout droit
                  Faire un plongeon cette nuit.

En ordre, sur la pierre nettoyée de l’âtre,
         Les trois écuelles sont rangées[1],
Et chaque fois grand soin est pris
         De les voir dûment changées :
Le vieil oncle John, qui, depuis l’année de Mar[2],
         Désirait les joies du mariage
Parce qu’il a eu l’écuelle vide trois fois,
         Les a jetées dans le feu
                  De colère cette nuit.

De chansons joyeuses et de causeries amicales
         Je sais qu’ils ne se lassaient pas ;
Et récits merveilleux, et plaisants badinages,
         Leurs passe-temps étaient gais et peu coûteux,
Jusqu’au moment où les sowens au beurre[3], dont la fumée embaume,
         Mirent toutes les bouches en mouvement :
Puis, après avoir vidé ensemble un verre de liqueur,
         Ils partirent en belle humeur
                  Et tout heureux cette nuit.

  1. Une écuelle contient de l’eau propre, la seconde de l’eau sale, la troisième est vide. On bande les yeux de la personne qui veut consulter le sort ; si c’est dans l’eau propre qu’elle trempe sa main gauche, c’est signe de mariage avec une vierge. Si c’est dans l’eau sale, elle épousera une veuve ; si c’est dans l’écuelle vide, elle ne se mariera point. L’épreuve se renouvelle trois fois, en déplaçant chaque fois les écuelles.
  2. 1715, l’année de la révolte en faveur des Stuarts, à la tête de laquelle était le comte de Mar.
  3. Sorte de bouillie faite de fécule de gruau, infusée, passée et aigrie. Les sowens, avec du beurre au lieu de lait se servent toujours à souper, la veille de la Toussaint. (N. d. trad.)