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Page:Poésies complètes de Robert Burns, 1843.djvu/124

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POÉSIES DE BURNS.

Lorsque, impitoyable, la tempête déchainée
         Vous frappe rudement.

En ce moment Phœbé, à l’apogée de son règne,
Bien enveloppée de noir, contemplait la plaine lugubre ;
Une foule de pensées mélancoliques continuaient
         D’assiéger mon âme,
Lorsqu’à mon oreille ce chant plaintif
         Arriva lent et solennel : —

« Soufflez, soufflez, ô vents, de plus pesantes bouffées !
Et toi, gèle, ô glace à l’âpre morsure :
Descendez, à vous, neiges froides et suffocantes !
Toute votre rage réunie comme à présent ne révèle pas
     Une méchanceté plus endurcie, plus implacable,
     Une malignité vindicative plus enracinée
Que celle que l’homme, cet illuminé du ciel, montre à l’homme son frère.
Voyez le poignet de fer de l’Oppression cruelle,
     Ou la main sanglante de la furieuse Ambition
Lâchant, comme des limiers hors de laisse,
     Le Malheur, le Besoin et le Meurtre sur une terre !
     Même dans le paisible vallon champêtre
La Vérité fait, en pleurant, son lamentable récit,
Comment le Luxe gros et gras, ayant à son côté la Flattorie,
          Ce parasite qui lui empoisonne l’oreille,
     Et derrière lui un tas de misérables à l’âme servile,
Examine sa fastueuse propriété, qui s’étend au loin,
          Et regarde le simple paysan,
     Dont le travail entretient la splendeur dont elle brille,
          Comme une créature d’une autre espèce,
          Une substance plus grossière, non raffinée,
Mise là pour son usage seigneurial, bien loin, bien bas au-dessous de lui.
     Où donc, où est la tendre, l’ardente angoisse de l’amour
     Avec le front hautain de l’honneur seigneurial,
          Puissances que vous reconnaissez fièrement ?
     Est-ce là, sous le noble nom de l’amour,
     Que peut loger, sombre, l’intention égoiste
          De se rendre seul heureux :
     Qu’on lui montre l’innocence virginale en proie
          Aux embûches d’un amour prétendu,
     Cet honneur tant vanté prend la fuite,
     Évitant l’influence naissante de la douce Pitié,
Sans égard pour les larmes et les vaines prières !
     Peut-être à cette heure, dans le nid de la sale misère,
     Elle serre votre enfant contre son cœur désolé,
Et avec un effroi de mère elle tremble aux secousses du vent !
          Ô vous qui, enfoncés dans des lits de duvet,
N’épronvez d’autres besoins que ceux que vous vous créez vous-mêmes,
     Pensez un moment à la destinée malheureuse