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Page:Poésies complètes de Robert Burns, 1843.djvu/28

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NOTICE SUR BURNS

et me déplaca, par la tangente de la sphère, de mes études. Je luttai pourtant quelques jours encore avec mes sinus et mes cosinus ; mais une charmante journée que je me promenais à midi dans le jardin pour prendre la hauteur du soleil, j’y rencontrai mon ange


Ainsi que Proserpine, allant cueillir des fleurs,
          Fleur plus belle elle-même. —

» Adieu toute idée d’étude et de progrès ! La semaine que je restai encore dans le pays, je ne fis qu’absorber en elle toutes les facultés de mon âme, ou m’échapper pour la rencontrer ; et les deux dernières nuits, si le sommeil était un péché mortel, grâce à l’image de cette modeste et innocente fille, j’aurais été sans tache.

» Je revins chez nous considérablement amélioré. Mes lectures s’étaient accrues des ouvrages importants de Thomson et de Shenstone ; la nature humaine s’était offerte à moi sous un nouveau jour, et j’avais engagé plusieurs de mes camarades à entretenir avec moi une correspondance littéraire. Mon style s’y forma. J’étais tombé sur un recueil de lettres des beaux esprits du règne de la reine Anne, et je les étudiai dévotement. Je gardais copies de celles de mes propres lettres dont j’étais content, et la comparaison que je faisais entre moi et mes correspondants flattait ma vanité. Je poussai cette fureur si loin, que, bien que je n’eusse pas pour trois liards d’ouvrage au monde, néanmoins chaque poste m’apportait autant de lettres que si j’avais été quelque héritier affairé du journal et du grand-livre.

» Ma vie suivit le même cours jusqu’à ma vingt-troisième année. Vive l’amour et vive la bagatelle ! étaient les seuls mobiles de mes actions. Ma bibliothèque s’enrichit de deux auteurs qui me firent grand plaisir: Sterne et Mackenzie ; — Tristram Shandy et l’Homme sensible furent les favoris de mon cœur. Les sentiers de la poésie attiraient toujours mes pas; mais je ne m’y