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POÉSIES

Autant que les grandes vertus.
Je sais que la gloire est trop belle
Pour ne pas inspirer de violens désirs :
La chercher, l’acquérir, et pouvoir jouir d’elle,
Est le plus parfait des plaisirs.
Oui, ce bonheur pour l’homme est le bonheur suprême ;
Mais c’est là qu’il faut s’arrêter,
Tout charmé qu’il en est, à quelque point qu’il l’aime,
Il a peu de bon sens quand il va s’entêter
De la vanité de porter
Sa gloire au delà de lui-même ;
Et quand, toujours en proie à ce désir extrême,
Il perd le temps de la goûter.
Encor si dans les champs que le Cocyte arrose,
Dépouillé de toute autre chose,
Il était permis d’espérer
De jouir de sa renommée ;
Je serais bien moins animée
Contre les soins qu’on prend pour la faire durer.
Mais quand nous descendons dans ces demeures sombres
La gloire ne suit point nos ombres ;
Nous perdons pour jamais tout ce qu’elle a de doux ;
Et quelque bruit que le mérite,
La valeur, la beauté, puissent faire après nous,
Hélas ! on n’entend rien sur les bords du Cocyte.