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POÉSIES

Ah ! consolez-vous-en, jonquilles, tubéreuses ;
Vous vivez peu de jours, mais vous vivez heureuses.
Les médisans ni les jaloux
Ne gênent point l’innocente tendresse
Que le printemps fait naître entre Zéphyre et vous.
Jamais trop de délicatesse
Ne mêle d’amertume à vos plus doux plaisirs.
Que pour d’autres que vous il pousse des soupirs,
Que loin de vous il folâtre sans cesse,
Vous ne ressentez point la mortelle tristesse
Qui dévore les tendres cœurs,
Lorsque, plein d’une ardeur extrême,
On voit l’ingrat objet qu’on aime
Manquer d’empressement, ou s’engager ailleurs.
Pour plaire, vous n’avez seulement qu’à paraître.
Plus heureuses que nous, ce n’est que le trépas
Qui vous fait perdre vos appas.
Plus heureuses que nous, vous mourez pour renaître.
Tristes réflexions, inutiles souhaits !
Quand une fois nous cessons d’être,
Aimables fleurs, c’est pour jamais.
Un redoutable instant nous détruit sans réserve :
On ne voit au delà qu’un obscur avenir.
À peine de nos noms un léger souvenir
Parmi les hommes se conserve.