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POÉSIES

Dans les bois après lui j’ai couru transportée,
Et par une route écartée
Je suivais son vol avec soin :
Soit hasard, soit adresse,
Malgré ma délicatesse,
Dieux ! qu’il me fit aller loin !
Enfin, n’en pouvant plus, il se rend ; je l’attrape,
Comme j’en avais eu dessein ;
Et, folle que je suis, j’ai si peur qu’il n’échappe,
Que je l’enferme dans mon sein.
Ô déplorable aventure !
Ce malicieux oiseau,
Qui m’avait paru si beau,
Change aussitôt de figure,
Devient un affreux serpent,
Et du venin qu’il répand
Mon cœur fait sa nourriture.
Ainsi, loin de goûter les plaisirs innocens
Dont sa trompeuse voix avait flatté mes sens,
Je souffrais de cruels supplices.
Le traître n’avait plus sa première douceur,
Et, selon ses divers caprices,
Il troublait ma raison et déchirait mon cœur.
Par des commencemens si rudes,
Voyant que les plaisirs que je devais avoir