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POÉSIES

Il fait d’un peu d’encens toute sa nourriture :
La raison, la sagesse, en vain l’ont condamné ;
Avec nous cet amour est né,
Autant que nous cet amour dure.
C’est un faible, il est vrai ; mais, tout examiné,
C’est un faible que la nature
Aux plus grands hommes a donné.

Personne n’est assez sincère
Pour avouer, comme je fais,
Tout ce que fait souffrir l’amour-propre en colère.
L’un dit, Je n’en ai point ; l’autre, Je n’en ai guère.
Si de tels discours étaient vrais,
Les dames craindraient moins qu’on les vît négligées,
De n’avoir pas dormi seraient moins affligées,
Et n’emprunteraient pas d’attraits ;
Les amans, les guerriers ne rompraient point la tête
De leur bonne fortune, et de tous leurs hauts faits,
Messieurs les beaux-esprits se feraient moins de fête ;
Et quand ce qu’ils font est mauvais
Ils souffriraient du moins en paix
Qu’on fît de leur ouvrage une critique honnête.

Mais que fais-je ? et pourquoi dans ma lettre entasser
Bagatelle sur bagatelle ?