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Page:Poésies de Schiller.djvu/120

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pénètre dans les liens les plus fermes du cœur, dans les secrets de l’amour et sépare l’ami de son ami, la trahison regarde d’un œil perfide l’innocence, la dent du calomniateur fait de mortelles blessures, l’âme profanée ne garde que de lâches pensées et l’amour rejette la divine noblesse de ses sentiments ; le mensonge a pris tes traits, ô vérité ! il profane les voix les plus précieuses de la nature que le cœur altéré recherche dans l’élan de la joie ; à peine y a-t-il dans le silence une émotion vraie, à la tribune on parle pompeusement d’équité, dans la cabane on parle d’union, et le fantôme de la loi est debout près du trône des rois. Cette momie, cette image trompeuse de la vie peut subsister pendant des siècles entiers jusqu’à ce que la nature se réveille et, d’une main lourde, d’une main de fer, poussée par le temps et par la nécessité, brise l’édifice imposteur ; jusqu’à ce que, pareille à une tigresse qui, dans le souvenir des forêts de Numidie, rompt ses grilles de fer, l’humanité se lève avec la rage du crime et de la misère, et cherche à retrouver la nature dans les cendres d’une ville. Ouvrez-vous, ô murailles, laissez le prisonnier retourner aux campagnes qu’il a quittées. Mais où suis-je ? Le sentier disparaît, les abîmes profonds arrêtent ma marche, derrière moi sont les haies riantes, les jardins fleuris, toutes les traces des œuvres de l’homme, je ne vois plus que la matière