un esprit ; là où je remarque un mouvement, je devine une pensée. Tous les esprits tendent à la perfection selon le libre état de leurs forces. La perfection que je conçois est la mienne ; le bonheur que je me représente est mon bonheur. Je désire cette perfection parce que je l’aime. Ce que nous nommons amour est le désir d’un bonheur étranger. L’amour est la boussole puissante du monde intellectuel, le guide qui doit nous conduire à la Divinité. Si chaque homme aimait tous les hommes, il posséderait par là le monde entier. »
Ce fut dans cette effervescence de la pensée, dans ce conflit des sentiments pieux, naïfs, dont il s’éloignait, et des nouvelles croyances dont il cherchait à s’emparer, que Schiller écrivit les Brigands et l’ode à Charles Moor, dernier sanglot de cette tragédie terrible, dernier accent des émotions violentes que Schiller s’était données lui-même en la composant.
Cette ode parut dans une Anthologie que le poëte publia en 1782, et qu’il remplit presque en entier de ses propres œuvres. Déjà ce n’était plus l’écolier laborieux, mais peu sûr de lui-même, inquiet et incertain, qui, en s’essayant à faire son thème, n’osait quitter des yeux le maître qu’il