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Page:Poésies de Schiller.djvu/53

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croître, et remercient Jupiter qui prolonge les nuits.

Déjà la durée des nuits était égale à celle des jours. La jeune fille, assise dans son château, regardait les chevaux du Soleil courir à l’horizon ; la mer, silencieuse et calme, ressemblait à un pur miroir, nul souffle ne ridait sa surface de cristal ; des troupes de dauphins jouent dans l’élément limpide, et l’escorte de Téthys s’élève en longue ligne noire du sein de la mer. Ces êtres marins connaissaient seuls le secret de Léandre, mais Hécate les empêche à tout jamais de parler. La jeune fille contemple avec bonheur cette belle mer et lui dit d’une voix caressante : « Doux élément, pourrais-tu tromper ? Non, je traiterais d’imposteur celui qui t’appellerait fausse et infidèle. Fausse est la race des hommes, cruel est le cœur de mon père ; mais toi, tu es douce et bienveillante, tu t’émeus au chagrin de l’amour. J’étais condamnée à passer une vie triste et solitaire dans ces murs isolés et à languir dans un éternel ennui ; mais tu portes sur ton sein, sans nacelle et sans pont, celui que j’aime, et tu le conduis dans mes bras. Effrayante est ta profondeur, terribles sont tes vagues ! mais l’amour t’attendrit, le courage te subjugue.

« Le puissant Dieu de l’amour t’a subjuguée aussi, lorsque la jeune et belle Hellé s’en revenait avec son frère emportant la toison d’or : ravie de ses charmes,