Page:Poésies de Schiller.djvu/84

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Au moment où il se penche sur le bord du rocher et contemple le gouffre, l’eau mugissante de Charybde s’élançait du fond de l’abîme avec un mugissement pareil au bruit du tonnerre.

Le monstre siffle, mugit, écume, bouillonne comme l’eau tourmentée par le feu. Des jets d’eau et de vapeur s’élancent jusqu’au ciel, et toujours le flot suit le flot, comme si l’abîme ne pouvait s’épuiser, comme si l’océan devait enfanter un autre océan.

Cependant ce tourbillon fougueux s’apaise. À travers l’écume blanche, on aperçoit une ouverture noire, sans fond, qu’on dirait être celle de l’enfer, et les vagues agitées retombent dans leur vaste entonnoir.

Dans ce moment, le jeune homme se recommande à Dieu… Et soudain l’on entend sur le rocher un cri d’effroi. L’onde vient d’engloutir le hardi plongeur. La gueule du monstre s’est refermée sur lui.

Et tout se tait à la surface de l’eau. Mais l’orage mugit dans les profondeurs du gouffre, et chaque spectateur inquiet s’écrie : « Adieu, adieu, valeureux jeune homme ! » Et le bruit du gouffre descend toujours plus bas, et l’anxiété s’empare de tous les esprits.

« Oh ! s’écrie l’un des spectateurs, quand tu jetterais dans cet abîme ta couronne, en disant : Celui