Page:Poésies de Schiller.djvu/99

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et la joie aux justes ; tu sais découvrir les replis du cœur, tu m’expliqueras l’énigme de la Providence, tu tiendras compte des douleurs.

Ici est la patrie de l’exilé ! ici s’arrête le sentier plein de ronces du malheureux. Un enfant céleste que l’on m’a appris à appeler la vérité, que beaucoup d’hommes fuyaient, que très peu connaissaient, a arrêté l’essor rapide de ma vie.

« Livre-moi ta jeunesse, m’a-t-il dit, je te récompenserai dans une autre vie, je ne puis te faire que cette promesse. » J’ai accepté la promesse et je lui ai livré les joies de mon jeune âge.

« Donne-moi la femme si chère à ton cœur, donne-moi ta Laura, tes regrets te seront payés avec usure au delà du tombeau. » Je l’ai arrachée de mon cœur saignant et je la lui ai donnée avec des sanglots.

Alors le monde m’a dit avec ironie : « La promesse que tu as reçue s’adresse à l’empire des morts ; un esprit menteur t’a présenté une ombre vaine à la place de la vérité, tu ne seras plus, quand l’heure viendra de recevoir ta récompense.

Une foule moqueuse me murmurait alors avec une langue de vipère : « Tu t’épouvantes d’une illusion menteuse. Que signifient tes Dieux, ces prétendus libérateurs d’un monde décrépit ? »