Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/189

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la prairie pour aller chercher un abri et de la nourriture dans la région montagneuse au midi. Elles en reviennent au printemps, en grandes troupes, et on les prend aisément, en les attirant dans un enclos comme celui dont je viens de parler.

Les chasseurs, John Greely, le Prophète, et un Canadien, n’espéraient plus pouvoir s’échapper des mains des Indiens (au nombre d’une cinquantaine) et s’étaient à peu près résignés à mourir. Greely et le Prophète étaient pieds et mains liés. On les avaient désarmés. Le Canadien, par contre, avait été laissé, pour une raison ou pour une autre, libre de ses mouvements ; on ne lui avait ôté que son fusil. Les sauvages ne lui avaient pas pris son couteau ; probablement ils ne l’avaient pas aperçu, comme le Canadien le portait caché dans la tige de sa guêtre. On le traita, en général, autrement que ses compagnons. Cette circonstance se trouva devenir la cause de leur salut à tous.

Il était à peu près 9 heures du soir quand ils avaient été faits prisonniers. La lune était claire, mais comme il faisait plus froid que d’habitude en cette saison, les sauvages avaient allumé deux grands feux, à une distance suffisante du parc pour ne pas effrayer les antilopes qui continuaient à arriver en masse. Les Indiens étaient occupés à cuire leur gibier, quand nos chasseurs leur tombèrent entre les mains, au tournant d’un bouquet d’arbres[1]. Greely et le Prophète après avoir été désarmés et attachés avec de fortes lanières de peau de

  1. Ceci est en contradiction avec ce qui précède, — chose rare chez Poe. E. H.