Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/192

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coup. C’est là qu’ils trouvèrent l’antilope qu’ils nous ont rapportée. Cette pauvre bête gisait pantelante ne pouvant remuer, au bord du ruisseau. Une de ses jambes était cassée, et elle portait des traces évidentes de brûlures. Elle appartenait, sans nul doute, au troupeau qui avait été cause de la délivrance de nos hommes. S’il y avait eu chance que l’animal se rétablît, ils l’auraient épargné, par gratitude ; mais il était dans un état désespéré, de sorte que le Prophète le délivra de ses souffrances, et l’apporta aux barques, où nous en fîmes un excellent déjeuner le lendemain matin.

12, 13, 14, et 15 avril. Pendant ces quatre jours, nous avons continué notre voyage sans aucune aventure importante. Le temps était très-beau pendant le milieu du jour ; mais les nuits et les matinées étaient excessivement froides. Nous eûmes de terribles gelées. Le gibier abondait. Thornton continuait à être à toute extrémité, et sa maladie m’embarrassait et me tourmentait outre mesure. Sa société me manquait beaucoup ; je trouvai que c’était le seul d’entre nous, à qui je pouvais me confier entièrement. Par là, je veux simplement dire qu’il était presque le seul, en somme, devant qui je pouvais et voulais ouvrir librement mon cœur, dire toutes mes espérances désordonnées et mes désirs fantastiques ; — non pas qu’aucun de nous fût indigne d’une confiance implicite. Nous étions tous comme des frères et jamais une dispute de quelque importance n’eut lieu entre nous. Un seul intérêt semblait nous lier tous, ou plutôt nous paraissions être une troupe de voyageurs sans aucun but intéressé, de voyageurs