Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/24

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des parodies innombrables. En Angleterre, l’effet fut le même, sinon plus profond. Poe était devenu pour le public « l’auteur du Corbeau. » Il faut noter que cette pièce n’était pas son poëme favori.

Sa position dans la société de New-York s’améliora par cette popularité subite. Il fut invité dans les salons. Il y parut en gentleman, en homme d’extérieur séduisant, ayant les manières raffinées, la conversation intéressante, l’esprit cultivé. Il charmait surtout les femmes, pour lesquelles il eut toute sa vie un culte bizarre.

Il fit alors la connaissance de Mme Frances Osgood, une femme poète, comme il en abonde en Amérique et qui a laissé sur lui quelques souvenirs gracieux. Mme Osgood avait, paraît-il, sur Poe une influence considérable et bienfaisante. Ce dernier avait été obligé, en Décembre 1845, de cesser la publication du Broadway dont il était devenu seul propriétaire 2 mois auparavant. Ce journal ne rendait pas, et dans les dernières semaines, Poe avait dû l’écrire seul pour ne point avoir de frais. Ce travail dépassait ses forces. Il recourut à son réconfortant ordinaire, l’alcool. Mme Osgood le retenait dans cette pente au vice, Poe n’osant se présenter chez elle, quand il était ivre, ce qu’il devenait après avoir bu un seul verre de spiritueux. Quand Mme Osgood quitta New-York, la femme de Poe la pria d’écrire à son mari, qui n’eut qu’à souffrir de cette correspondance. Elle déplut à certaines dames de New-York qui, s’étant unies en un comité et ayant fait partager leur manière de voir à Mme Osgood, vinrent réclamer les lettres de cette dernière à Poe. Il les rendit, on imagine avec quels sentiments. Il y avait d’ailleurs, dans cette démarche extravagante, une machination de femme jalouse et dédaignée sur laquelle il est inutile de rien dire de détaillé.

Poe se trouvait de nouveau sans emploi, c’est à dire sans