Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/272

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un mot, tout ce qui peut rendre la beauté terrestre semblable à la beauté céleste.

La perfection pour la rime résiderait dans la combinaison de l’égal et de l’inattendu. Mais comme le mal ne peut exister sans le bien, de même aussi il faut que l’inattendu sorte de l’attendu. Nous ne voulons pas l’arbitraire. Il nous faut d’abord une série de rimes équidistantes, revenant à intervalles égaux, pour former la base, l’attendu, le prévu. C’est de là que naîtra l’inattendu, par l’introduction de rimes placées non au hasard, mais de façon à donner la plus grande somme d’imprévu possible.

Il ne faudrait pas les insérer à des endroits tels que le vers entier fût un multiple du nombre de syllabes placées avant la rime. Quand j’écris par exemple :

And the silken, sad, uncertain, rustling of each purple curtain[1].

je produis certainement plus d’effet, mais non beaucoup plus d’effet, que si j’emploie les rimes ordinaires recourant à la fin du vers. Car le nombre de syllabes de mon ogdomètre est divisible par celui qui précède la rime introduite au milieu. Il reste par conséquent quelque chose de prévu. En fait, l’innovation dans mon vers ne s’adresse qu’à l’œil, car l’oreille coupe le vers en deux, ainsi :

And the silken, sad, uncertain,
Rustling of each purple curtain.

  1. Le Corbeau : Et le soyeux, triste et vague bruissement des rideaux pourprés.