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Page:Poe - Contes grotesques trad. Émile Hennequin, 1882.djvu/40

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sujet inconscient de son observation. Les yeux étaient en vérité ce que M. Poe avait de plus étrange. Je n’ai jamais vu d’yeux semblables. Ils étaient grands, avec de longs cils noirs ; l’iris, d’un gris d’acier sombre, était d’une clarté et d’une transparence cristalline. La pupille, d’un noir de jais, se dilatait et se contractait à chaque variation de ses pensées et de son humeur…… Sauf le charme étrange de ses yeux, M. Poe n’était pas un très bel homme. Il était à mon avis plutôt distingué que beau. Quand je le connus, il avait l’air abattu et usé par les chagrins ; en vérité, un air un peu hagard, qui devenait très-apparent quand il n’était pas animé. Il avait une moustache noire, très-soignée, mais qui ne parvenait pas à cacher une légère contraction de la bouche, un plissement momentané de la lèvre supérieure, qui lui étaient habituels et qui ressemblaient à un sourire de mépris. Ce sourire revenait souvent, — un faible mouvement de la lèvre, à peine visible, et cependant très-expressif. Il n’y avait là aucune méchanceté mais beaucoup de sarcasme. »


Une autre personne, le professeur Valentine, qui avait été le camarade de Poe au collège, complète ce portrait :


« Son front, écrit-il, était beau et significatif ; ses yeux sombres, sans cesse en mouvement ; dans la bouche, il y avait de la fermeté, mêlée d’ironie et d’aigreur. Sa démarche était souple ; ses manières agitées et un peu emphatiques. Il parlait bien et était cordial dans son commerce avec ses amis, mais il ne semblait jamais sourire de joie, ce que l’on pourrait attribuer aux efforts qu’il semblait faire constamment pour se dominer. Il y avait beaucoup de monotonie et de tristesse dans sa voix. »