Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/174

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ne s’en douterait guère à les voir. Ce défaut, néanmoins, m’a toujours causé beaucoup d’ennuis et j’ai essayé tous les remèdes, hormis un seul. Étant jeune et joli garçon, j’éprouve une répugnance bien naturelle à porter des lunettes, et je m’y suis toujours refusé avec fermeté. Je ne connais vraiment rien qui défigure autant un frais visage et donne aux traits un tel air de gravité sournoise, pour ne pas dire de vieillesse et d’austérité. D’un autre côté, un lorgnon sent terriblement la fatuité et l’affectation. Je me suis donc tiré d’affaire tant bien que mal sans avoir recours à l’opticien. Mais c’est trop appuyer sur des détails tout personnels et qui, en somme, sont de peu d’importance. Je me contenterai d’ajouter que je suis d’un tempérament sanguin, téméraire, ardent, enthousiaste et que toute ma vie j’ai été un admirateur passionné du beau sexe.

Un soir de l’hiver dernier, j’entrai, en compagnie de mon ami Talbot, dans une loge du P… Théâtre. C’était un soir d’opéra, et les affiches étalaient des promesses plus attrayantes que de coutume, de sorte que la salle se trouvait comble ; mais nous étions arrivés à temps pour prendre les places qu’on nous avait réservées au premier rang et que nous gagnâmes non sans peine en coudoyant la foule.